Association Nationale des Centres d'IVG et de Contraception

Presse


Contraception : information – appropriation – prescription Expérience du centre de planification et d’IVG Bluets-Trousseau -

Texte de Marie-Laure Bazile et Martine Chosson

Le centre de planification et d’IVG   Bluets-Trousseau, dans le 12ème arrondissement de Paris assure contraception, prévention, conseil conjugal et familial, et IVG  .
Les locaux sont individualisés, le personnel du Centre spécifique (secrétaire, infirmière, psychologue, conseillère conjugale et familiale, sage-femme et médecin, et l’infirmière), sous la responsabilité d’un médecin référent et d’une CCF (Conseillère Conjugale et Familiale) coordinatrice forment une équipe.

Dans notre centre depuis les débuts de la contraception d’urgence des années 80, les CCF la délivrent.
Nous avons établi une politique de prise en charge afin que la contraception soit accessible tous les jours, et assurer une prise en compte de chaque demande quand elle se présente : « c’est ce soir que je dois la reprendre et je n’en ai plus ». Pour nous, il est important avant tout de répondre à cette demande urgente de contraception, et si cela est possible d’inviter la jeune à comprendre ce qui l’amène à se mettre dans cette situation d’urgence.
C’est au regard de ces objectifs que le centre a décidé de permettre aux CCF de participer à la délivrance de la contraception dans son ensemble : l’information et la prévention (dépistage des IST), l’aide au choix et la délivrance de la contraception hormonale, plus particulièrement pour les mineures, les jeunes majeures désirant garder le secret, et les femmes sans couverture sociale.

Les connaissances des Conseillères Conjugales et Familiales (CCF) de la physiologie et de la psychologie des femmes les qualifient pour aider celles-ci à choisir la contraception la mieux adaptée. Leur spécificité de l’accompagnement de la femme dans sa globalité et du couple permet ainsi l’amélioration de l’accès aux soins, à la contraception, à l’IVG  , aux dépistages et à la prévention des IST et des violences faites aux femmes.
Les CCF sont formées et compétentes pour recevoir une parole sur l’intime, l’estime de soi, de l’autre ; et aussi d’aborder les représentations corporelles, le prendre soin de soi, de l’autre (se protéger, protéger l’autre), le désir d’avoir ou non un enfant. Toutes ces questions ont leur place dans la démarche contraceptive.
Prendre intérêt à la vie de tous les jours de la jeune reçue, à l’école, à sa famille, à son amoureuse et à son amoureux, dialoguer autour des désirs, espoirs, projets, chagrins… demande disponibilité et écoute personnalisée au plus proche du, des vécu de chacune et l’adaptation à la situation personnelle, amoureuse et le mode de vie.

Nous avons organisé, tous les mercredi après-midi, un accueil spécifique sans rendez-vous, toujours dans un souci d’une prise en charge de la personne dans sa globalité et d’une reconnaissance de la jeune fille dans cette démarche contraceptive.
Cet accueil , assuré le plus souvent par la CCF et la sage femme propose informations, discussions et orientations et délivrance contraceptive.
Bien évidemment au moindre doute et à la moindre particularité, nous passons le relais au médecin soit immédiatement s’il y a la possibilité, soit avec un rendez vous ultérieur.

Cette délivrance de la contraception par le personnel non médical sous la responsabilité du médecin référent, offre un accès à la pilule plus facile aux jeunes et ouvre la parole sur la sexualité, le plaisir, les relations à l’autre sexe, les conduites à risque, les difficultés sexuelles, quelquefois les mutilations sexuelles, les violences en cours ou antérieures, les difficultés familiales ou scolaires …
Cela permet également d’expliquer l’examen gynécologique , son utilité , d’informer sur le caractère non obligatoire de l’examen gynécologique (sauf si elle le souhaite pour se rassurer par exemple sur la normalité de son corps ou autre motif), de proposer la visite d’un cabinet médical avec explications du matériel et donc d’établir une relation de confiance.
Espace très apprécié, très fréquenté, créé pour les jeunes dans une institution, où est reconnu leur statut d’adulte en devenir et leur droit à la sexualité.
Les adolescentes expriment souvent leur étonnement d’avoir un endroit où elles peuvent parler.
Cette première délivrance de pilule est un entretien long, il est important de fournir les informations, plaquette en main, et de s’assurer ensuite que l’explication a été comprise.

Lors d’une première demande de pilule, après discussion avec la jeune fille, nous procédons à un interrogatoire rigoureux sur les antécédents personnels et familiaux. Nous respectons un protocole élaboré et validé par le service.

L’information doit aussi préciser les effets secondaires possibles à la première plaquette, expliquer qu’il faut au moins 3 mois avant de juger si une pilule convient ou non, préconiser de ne pas arrêter sans prendre un avis, au moins par téléphone, même si elles « cassent » avec leur petit ami ou qu’elles partent en vacances sans lui, par exemple.
Enfin, à cette occasion, sont bien sûr données les informations sur les préservatifs (et leur mode d’emploi !), les IST, le SIDA et le message clair sur l’association pilule et préservatifs. (Combien d’arrêts de préservatifs après avoir fait le test HIV sans penser à la grossesse !).
Sur délégation du médecin référent, nous pouvons délivrer directement des plaquettes de pilule.
Un rendez-vous avec le médecin est fixé 3 mois plus tard, avec un bilan biologique sanguin prélevé auparavant dans le service qui peut être fait gratuitement. Les consultations médicales de suivi ont lieu ensuite annuellement.

Pour un renouvellement de pilule, là encore, c’est le personnel non-médical qui l’assure : les jeunes reviennent tous les 3 mois au CPEF  , pour la délivrance de leurs plaquettes ;
On s’assure alors de sa bonne tolérance, de sa prise régulière, de la réalisation des examens de sang prescrits et de l’établissement d’un rendez-vous avec le médecin.
Il peut être important de repérer avec la jeune ses difficultés éventuelles : pilule prise en cachette des parents par exemple, contrainte d’une prise quotidienne de pilule alors que rapports sexuels espacés, difficultés familiales ou scolaires prenant le pas sur le risque de grossesse …. Tout ceci pouvant entraîner un arrêt brutal de la pilule et amener la jeune fille à réaliser elle-même qu’une grossesse n’arrangera rien !
Faire le point sur la manière dont cette contraception s’inscrit pour elle dans sa relation amoureuse et sexuelle, qu’elle repère pour elle l’intérêt de sa poursuite. ( et non imposée par l’adulte), l’aider à donner un sens à cette prise de pilule, à choisir de ne pas être enceinte et de faire ce qu’il faut pour … c’est la démarche de counseling.
L’objectif est que la jeune s’approprie sa contraception.
C’est aussi le moment d’aborder d’autres problématiques de vie : les parents, l’école, les vacances, le travail, les prises de risques (tabac, alcool, IST)... tout ce dont elles ont envie de parler. Ces différentes informations permettent de faire lien et d’intégrer la contraception dans l’histoire contraceptive de la famille, d’aborder les représentations qui y ont été véhiculées, etc.

Cette prescription, par le personnel non médical permet un abord non médical de la contraception par les discussions sur la sexualité, le plaisir, les relations à l’autre sexe, les mobilise bien davantage que la perspective d’un rendez-vous avec le médecin, qui trop souvent fait peur. Les questions posées sont souvent les mêmes : est-ce obligatoire d’avoir un examen gynécologique, est-ce que ça fait très mal, les instruments sont horribles…

Certains médecins peuvent se sentir frustrés de ne pouvoir entrer en contact en premier avec les femmes. Pourtant c’est souvent bien plus facile d’effectuer une consultation médicale quand le contenu de celle-ci a été expliqué et dédramatisé auparavant !

En dehors du mercredi, les CCF, la sage-femme et les médecins reçoivent tous les jours, pour une 1ère fois, pour un renouvellement de pilule ou pour délivrer une contraception d’urgence.

De ce fait, la pilule est délivrée à tout moment avec ou sans rendez vous pendant toute la semaine.
Les CPEF   (Centre de Planification et d’Education Familiale)
sont dotés d’une mission légale en matière d’information à la sexualité et permettent d’apporter une réponse immédiate, gratuite et confidentielle à toutes les questions liées à la vie sexuelle et affective des jeunes. Ils peuvent proposer des consultations médicales et délivrer de manière gratuite une contraception aux mineures et aux jeunes adultes sans couverture sociale, ou désirant garder le secret.
Les informations auprès des scolaires nous permettent également une approche auprès des garçons et d’informer sur la double protection qui allie le préservatif et contraception hormonale. Cela permet d’impliquer plus fortement les garçons dans les choix de contraception et d’insister sur le caractère peu contraignant de la contraception.
Nous insistons aussi sur l’importance des séances d’informations collectives à l’intérieur et à l’extérieur des CPEF   dans les foyers, collèges, lycées, …

Il s’agit de rendre les adolescents acteurs et responsables de la gestion de leur corps et de leur sexualité.

Enfin, nous pensons que plus l’accès à la contraception est facile et moins il est médicalisé, meilleure en est l’appropriation par les jeunes. Le premier effort à faire est de cesser de faire passer seulement des messages négatifs sur les risques et les dangers de la pilule, de cesser d’aborder la contraception à travers les contre-indications, les risques et les complications : IST, SIDA, IVG  . Plus le discours
autorisera la sexualité et le plaisir, plus les jeunes se sentiront reconnu-e-s et accepté-e-s dans leur droit au plaisir et meilleure sera leur adhésion à la contraception.

De confier la contraception des femmes en bonne santé à d’autres professionnels de santé que des médecins permet l’accessibilité, l’appropriation, l’autonomie et la responsabilité de la contraception par les femmes. L’objectif consiste donc à accompagner et permettre aux femmes comme aux hommes un accès facilité à la contraception qui leur convient quel que soit l’endroit où ils vivent.

Le travail en équipe avec médecin, sage femme, psychologue, conseillère conjugale et familiale dans des actions complémentaires et transversales, la collaboration, les échanges, les mises à jour sur nos pratiques respectives contribuent à une actualisation des connaissances, à une formation continue et à un ajustement de nos pratiques professionnelles.

Conclusion
Les CPEF   et centres d’IVG   étant des espaces de parole, d’accompagnement, d’information et de prise en charge médicale, nous donnent en tant que CCF la possibilité de délivrer la contraception et cela y prend tout son sens, à condition d’être dans une équipe contenante, formatrice, engagée et dans la confiance et le respect mutuel.

Contraception : information – appropriation – prescription Expérience du centre de planification et d’IVG Bluets-Trousseau