Lettre à Simone Iff

Anne-Cécile Mailfert ©Radio France - Christophe Abramowitz
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Anne-Cécile Mailfert ©Radio France - Christophe Abramowitz
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Ce matin, Anne-Cécile Mailfert, Présidente de la Fondation des Femmes, a écrit une lettre pour Simone Iff.

Chère Simone Iff,

Hier Olivier Véran a annoncé que la contraception serait gratuite pour les femmes de moins de 25 ans. Je suis sûre que tu aurais dit “parce qu’après 25 ans, on arrête la sexualité et puis, c’est pas d’allonger les délais de l’IVG dont on parlait ?". En France, presque une femme sur deux avortera dans sa vie : se rendent-elles compte à quel point tout cela n’a tenu et ne tient toujours qu'à un fil. Puisqu’on a tant de mal à honorer celles qui nous ont tant apporté, c’est ton hommage, devrais-je dire ton femmage, que je veux présenter. 

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Simone Iff, tu es l’autre Simone, sans qui Veil n’aurait pas fait sa loi, sans qui Beauvoir ne serait resté que des mots, la Simone dont on ne parle pourtant pas. 

Avec d’autres, vous avez fondé le Mouvement Français pour le Planning Familial

Au début, bénévoles, vous répondiez aux questions des femmes : l'éducation sexualisée à tout âge tout le temps. Illégalement, vous distribuiez des pilules en cachette, avec le MLAC, vous aidiez aux avortements publiquement, sans fausse pitié, sans mauvais jugement.

Vous étiez 343 mais derrière vous, elles étaient des milliers à dire “Moi Aussi”, des colonnes du Nouvel Obs aux marches du tribunal de Bobigny.

Vous avez tant et si bien lutté qu’on aurait dit à ton homonyme “si vous ne faites pas cette loi, c’est jusque sous votre bureau qu’elles viendront avorter”. Et puis en 1975, nous toutes, on a gagné. 

Des héroïnes comme toi, il y en a d’autres dans le monde

Le droit à l’avortement ne se donne pas : ce sont des femmes qui l’arrachent. En Argentine, au Mexique, en Nouvelle-Zélande, en Irlande, elles sont des millions à avoir finalement gagné ces dernières années. 

On aimerait se dire, c’est bon c’est fait, on passe à la suite. 

Mais le Texas nous rappelle que les femmes n’ont pas le luxe de se reposer. A nouveau, nos droits ne tiennent qu’à un fil, à une femme : Ruth Bader Ginsburg à la Cour Suprême décédée l’an dernier remplacée par son exact opposée. 

Ici, comme ailleurs, ce ne sont pas les femmes qui sont fragiles

Ce sont leurs droits. L’Union Européenne ne considère pas comme fondamental le droit pour nous d’avorter. Elle n’a donc rien dit lorsque la Pologne l’a interdit. En France, aucun politique tout féministe soit-il n’a osé le constitutionnaliser. 

Et comment le ferait-il si c’est déjà si compliqué d’allonger de 2 semaines les délais. Là-dessus, Veran ne dit mot, Macron dit non. Pourtant rappelons-nous, pas d’utérus pas d’opinion.

Chère Simone, si tout n’est pas encore gagné, grâce à toi, à vous toutes, Simone, Monique, Gisèle, et tant d’autres nous pouvons choisir notre vie. 

Nous pouvons être mères en l’ayant désiré. Nous pouvons jouir sans entraves et avorter sans risques. Et pour cela, ce matin, je tenais à te dire, à vous dire à toutes, merci.

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